Psaume 137 – « Sur les rives des fleuves de Babylone »
Psaume 137 – « Sur les rives des fleuves de Babylone ». leçon en hébreu
Le Psaume 137 s’ouvre sur une émotion bouleversante : les exilés de Babylone sont assis au bord des fleuves et pleurent. Ils se souviennent de Sion détruite, et refusent d’être consolés. Ils suspendent leurs harpes – comme s’ils rangeaient dans un grenier l’idée même de pouvoir encore se réjouir. Les Sages, eux aussi, ont relié la destruction à l’arrêt du chant : « Depuis que le Sanhédrin a été aboli, le chant a disparu des lieux de festin... Rav Houna fils de Rav Yehochoua dit : car il est dit : ‘Les vieillards ont cessé de siéger à la porte, les jeunes hommes de chanter’ » (Sota 48a).
Les oppresseurs demandent aux exilés de chanter un « chant de Sion » pour eux – mais ils reçoivent un refus : Comment pourrions-nous chanter le chant de l’Éternel sur une terre étrangère ?
Dans la deuxième partie du psaume, le psalmiste prononce le serment célèbre d’« Si je t’oublie… » : « Si je t’oublie, Jérusalem, que ma droite m’oublie ! Que ma langue s’attache à mon palais si je ne me souviens pas de toi, si je n’élève pas Jérusalem au sommet de ma joie. »
Dans un article joint, le Rav Elhanan Samet analyse ce psaume comme le récit d’un processus d’adaptation à l’exil.
Au début, les exilés sont saisis d’un chagrin spontané face à la destruction. Puis, peu à peu, ils commencent à s’habituer à l’exil. Pour continuer à se souvenir de Jérusalem, ils doivent alors se lier par un serment.
Autrement dit, le psaume décrit un processus d’intégration en exil, le passage d’un deuil instinctif et spontané à un souvenir conscient et durable.
Le Rav Samet rapproche cette lecture de la prophétie de Jérémie, dans laquelle celui-ci appelle les exilés de Babylone à s’installer et à vivre : « Ainsi parle l’Éternel des Armées… à tous les exilés… Construisez des maisons et habitez-les… » (Jérémie 29, 4–5)
Il montre que ce même processus est décrit dans les paroles des Sages à propos de la destruction du Second Temple (Baba Batra 60b) : « Nos maîtres ont enseigné : lorsque le Temple a été détruit une seconde fois, beaucoup de Juifs décidèrent de ne plus manger de viande ni boire de vin. Rabbi Yéhoshoua s’adressa à eux : ‘Pourquoi ne mangez-vous plus de viande, pourquoi ne buvez-vous plus de vin ?’
Ils répondirent : ‘Comment manger de la viande, qui était offerte sur l’autel et ne l’est plus ? Boire du vin, qui était versé sur l’autel et ne l’est plus ?’ »
Ces proushim (ascètes) expriment un deuil primaire, comme dans la première partie de notre psaume – un refus catégorique d’accepter la destruction.
Rabbi Yéhoshoua les suit dans leur raisonnement jusqu’à l’absurde, leur montrant que s’ils vont jusqu’au bout de cette logique, il faudrait cesser toute vie. Il en conclut : « Ne pas faire de deuil du tout, c’est impossible – le décret divin a été prononcé. Mais faire un deuil excessif, c’est également impossible. »
Les Sages ont donc instauré des marques de souvenir de Jérusalem dans la vie quotidienne : « Ainsi ont-ils dit : on enduit les murs d’enduit à la chaux, mais on en laisse une petite partie sans crépi… Une femme peut se parer, mais elle laissera un bijou de côté… Comme il est dit : _‘Si je t’oublie, Jérusalem, que ma droite m’oublie…’_ »
La source de ces pratiques est précisément le serment du psaume 137, qui incarne ce passage du deuil à un souvenir actif et conscient, dans un contexte de vie.
Le psaume se conclut par une demande adressée à D’ : « Souviens-toi, Éternel, des enfants d’Édom, du jour de Jérusalem… »
Ainsi se referme un cycle du souvenir : les exilés ont juré de se souvenir de Jérusalem – et demandent que D’ s’en souvienne aussi.
Mais une question reste posée : quel est le rôle d’un psaume aussi profondément ancré dans l’exil au sein du cinquième livre des Psaumes, un livre consacré à la rédemption, à la louange et à l’espérance ?
C’est ce que nous explorerons demain, avec le Psaume 138 qui, comme nous le verrons, complète ce tableau.
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